Vous avez peut-être déjà croisé un sol en opus incertum sans le savoir. Ce patchwork de pierre ou de carrelage aux formes irrégulières revient en force dans nos intérieurs. Et pour cause : il allie charme vintage, esthétique brute et conscience écologique. Je n’ai appris cette expression que dernièrement, en faisant des recherches sur ce type de sol en pierre ou en carrelage. Je leur trouve un effet esthétique intéressant. Nous pourrions nous laisser tenter par les mosaïques de carreaux de faïence, comme dans les années 50, ou par les sols en pierre, très en vogue dans les années 70. Mais attention, pas n’importe comment. Je vous propose un tour de la question à travers une sélection d’exemples au sol en opus incertum.
Nous parlons de sol, mais cette technique, très utilisée dans les derniers siècles de la Rome antique, concernait avant tout la maçonnerie. Elle permettait de composer des murs avec différents matériaux, soit pour des raisons pratiques et économiques, soit pour renforcer les murs. L’opus incertum vient du latin, vous l’aviez deviné, et signifie « appareil irrégulier »
Aujourd’hui, l’opus incertum est également essentiellement utilisé dans le domaine du carrelage, pour des choix esthétiques.
La technique est simple. Elle consiste à composer un sol avec des morceaux de carrelage cassés unis ou de couleurs différentes, en faïence ou en pierre.
Autres inspirations
⌈ Image en une : Architecte : Olaver – Projet : Goodwin House, Victoria, Australie – Photo : Benjamin Hosking ⌋

Épicerie MAM, quartier des Ternes, Paris avec un sol en opus incertum des années 50 – Photo : Benoît Linero
Pourquoi vous pourriez aimer ce type de sol ?
Il y a le coût, car cette technique permet d’utiliser des morceaux irréguliers et imparfaits. C’est donc une approche écologique, car il est possible d’utiliser des rebuts et de mixer des matériaux différents. Après guerre, par le manque de matériaux, beaucoup de sol en mosaïque ont été réalisés à partir de carrelage dépareillé. On en retrouve dans certaines épiceries ou bistrots qui ont conservé leur sol d’origine.
Dans les années 70, ce furent les sols en pierre qui ont eu la cote, parce qu’on voulait de la pierre et qu’il est plus facile et moins cher de composer un sol avec des morceaux de pierre.
Les sols en opus incertum qu’ils soient en pierre ou en céramique séduisent, car ils apportent une dynamique à l’espace. Ils modifient l’ambiance d’une pièce en lui insufflant un petit truc vintage et intemporel.

Café Au Rêve à Montmartre, et son sol d’origine en patchwork de carrelage – Photo : Marcus Nilsson

Isabelle Bacinello, mosaîste indépendante
Une pose pas si facile…
La pose en opus incertum n’est pas sans défis. Elle n’est donc pas si économique que cela. Vous le devinez, il faut composer avec des morceaux irréguliers : casser, retirer, essayer à nouveau, tout en gérant le niveau ! Ce processus peut se révéler long et fastidieux, comparé aux techniques modernes préfabriquées. Tous les artisans n’accepteront pas votre chantier. Quant à l’utilisation de morceaux de carrelage, il faudra s’adresser à une mosaïste.
Mais voilà, les sols en opus incertum qu’ils soient en pierre ou en céramique séduisent, car ils apportent une dynamique à l’espace. Ils modifient l’ambiance d’une pièce en lui insufflant un petit truc vintage et intemporel.
Des alternatives…
Si vous ne vous voyez pas passer des heures à assembler des morceaux de pierre ou carrelage pour composer votre sol, la collection Trencadis de Wow Design me paraît une bonne alternative. Elle réinterprète avec audace la mosaïque traditionnelle. Fabriquée en porcelaine mate, elle convient à une pose murale ou au sol, en intérieur comme en extérieur et se décline dans des couleurs bien étudiées.
Un opus incertum, pour toutes les pièces ?
Opus incertum est surtout une technique de pose. Là, où nous voulons créer un sol en pierre ou carrelage, il est donc possible d’avoir un sol en opus incertum. Le seul bémol est qu’il peut être envahissant visuellement, c’est pourquoi il a été sans doute abandonné, passer les années 70 !
Il est d’autant plus envahissant visuellement, s’il est composé de matériau de différentes teintes ou si le joint crée un contraste fort avec ce qui le compose.
Cela veut dire que ce type de pose est à envisager en fonction de la taille de la pièce et de l’effet souhaité.

Design intérieur : Veter Design & Architecture – Projet : Cooker’s Gourmet Café, Moscou – Photo : Mikhaïl Loskutov

Design intérieur : Antonio Montilla – Projet : Pied à terre à Merbella, Espagne – Photo : Aitor Santome

Design intérieur : Ester Bruzkus Architekten – Projet : LA Poke, Berlin – Photo : Jens Bösenberg

Cuisine réalisée par la marque Frøpt

Intérieur design : Buro 5 – Projet : Appartement Copenhagen Spirit, Moscou – Photo : Luciano Spinelli

L’appartement de la designer Sandra Benhamou à Paris photo : Germain Suignard pour Ideat

Intérieur design : Bateaumagne – Projet : Tiphaine, duplex avec jardin, Paris 15 – Photo : Giaime Meloni
Donc, quel opus incertum pour quelle pièce ?
Pour un sol en opus incertum présentant de forts contrastes, je vous conseillerais de miser sur les pièces de passage comme une entrée, des toilettes ou une salle de bains, et toutes les petites pièces en général. La bonne idée est également de l’utiliser pour des crédences ou pour protéger une partie du sol, par exemple en pied de meubles de cuisine ou de salle d’eau.
Un sol en opus incertum crée une première impression forte et masque les petites salissures.

Réalisation : Studio Willet et studio Ome Desim – Projet : Maison CM G1, Los Angeles – Photo : Yoshihiro Makino

Réalisation : Un jour d’avril – Projet : Villa dans le 7ème, Marseille.
Calcaire, quartzite, grès, ardoise ou encore marbre, la pose opus incertum se prête aux grandes surfaces, telle la pièce à vivre. La belle idée, et c’est ce qui reste dans beaucoup de demeures des années 70, est de faire le lien entre l’intérieur et la terrasse extérieure. Cela crée une continuité visuelle.
D’ailleurs, ce type de dallage est toujours et encore utilisé dans les jardins, car il se fond dans le paysage. Il est durable, résistant aux intempéries et aux herbes folles dans une certaine mesure.
Dans mes recherches, j’ai également croisé l’utilisation de sols en opus incertum uni. Joints et dalles s’harmonisent dans un camaïeu de teintes douces et neutres. Vous pouvez miser sur ce type de sol, partout, sans vous tromper. Il est neutre, tout en apportant de la texture et du dynamisme. C’est certainement ainsi que nous l’aimons le plus actuellement.

Intérieur design : Festen – Projet : L’hôtel Les Roches Rouges, Saint-Raphaël
Design intérieur Heju studio – Projet : Loft Sesquez, Asnières-sur-Seine
Cela fait un moment que je traque sur Pinterest ce type de sol. Je les aime autant en pierre, qu’en carrelage, mais je ne crois pas que je passerai le pas pour un de mes projets. Peut-être pour un extérieur ou une crédence. J’ai imaginé une mosaïque de carrelage et galets, dans ma tête, pour notre maison en Bretagne, juste pour la partie cuisine, avec le reste de la pièce en béton ciré. Mais je crois que cela restera dans ma tête.
Et chez vous ?
Laissiez-vous une place à l’irrégulier ? Que ce soit pour apporter du rythme à une pièce trop lisse, jouer la carte du charme vintage ou adopter une approche plus durable, l’opus incertum a plus d’un atout. Seriez-vous prêt à l’envisager chez vous, dans une entrée, une salle de bains ou même en extérieur ?
À vous de voir si ce sol pas comme les autres trouve sa place dans votre univers déco.
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