C’est un paradoxe, à l’heure où les grandes enseignes proposent des meubles standardisés, fonctionnels à des prix très accessibles, nous sommes nombreux a traqué les vieux meubles de métier, cabossés. Pièces uniques, souvent issues du monde artisanal ou industriel, ils portent en eux les traces du temps et une authenticité introuvable dans le neuf. Si certains les jugent trop encombrants, usés ou désuets, beaucoup d’entre nous y voient des meubles, capables de transformer un intérieur en lui donnant caractère et profondeur. Pourquoi un tel engouement aujourd’hui ? Et surtout, comment intégrer ces meubles dans des intérieurs contemporains ?
Si les vieux meubles de métier nous séduisent, ils ne sont pas exempts de contraintes. Certains manquent de fonctionnalité au quotidien, et s’intègrent mal dans les petits espaces qui ont besoin de flexibilité et d’optimisation de rangement. Cependant, ils séduisent, parce qu’ils sont gages d’authenticité. Ils personnifient un intérieur et c’est pourquoi ils sont donc recherchés pour cela.
Le revers de la médaille est que le prix de certains de ces meubles a grimpé de manière irrévérencieuse. Cela a ouvert un marché de l’imitation : des meubles standardisés au style parfois grossièrement indus’. Cependant, je ne crache pas sur tout, parce que certains de ses meubles sont souvent plus pratiques et même bien réalisés. Ils sont aussi plus chers. Dans tous les cas, ils brouillent la frontière entre vrai et faux. Chacun, sa came ! Son budget.
Autres inspirations
[ Source image 1 et 2 : Jeroen van der Spekportfolio ]
01 | Qu’est-ce que nous entendons par meuble de métier ?
02 | Pourquoi se meubler avec des vieux meubles de métier ?
03 | À quel style conviennent les vieux meubles de métier ?
04 |Quelques pistes déco pour intégrer des meubles de métier à sa déco
Règle n°1 : Même valeur
Règle n°2 : De la cohérence
Règle n°3 : Peu, mais bien
Règle n°4 : Un certain contraste
Règle n°5 : L’art du détournement d’objet
Règle n°6 : De la mise en scène
Pour conclure : Dialogue entre objet
Qu’est-ce que nous entendons par meuble de métier ?
Un meuble de métier est un meuble ancien, souvent issu du monde artisanal ou professionnel. Il provient d’anciens ateliers, d’usines, mais aussi de fermes, des écoles, des administrations… Il n’a pas été transformé ni restauré de manière excessive. Il conserve son matériau d’origine, souvent du bois massif, du métal et du cuir, ainsi que ses traces d’usure, sa patine et parfois même ses réparations d’époque. Ces meubles n’ont pas pour vocation d’être des pièces de collection impeccables. Ils sont les témoins d’un usage du quotidien et racontent une histoire par leur aspect.

Un ancien atelier à Barcelone – Photo : Montse Garriga via elledecor.com
_Différence avec le mobilier vintage de collectionneur
Le meuble de métier est donc avant tout utilitaire. Il peut s’agir d’un établi, d’une table de ferme, d’un casier d’atelier, d’une armoire de famille… Ce qui fait sa valeur, c’est sa solidité, son usage initial et son caractère authentique, pas forcément sa rareté. On le chine souvent pour l’intégrer à une déco pour un usage quotidien.
En revanche, le mobilier vintage de collectionneur, renvoie à des créations de designers ou d’éditeurs du XXe siècle (années 1950-1970 par exemple). Leur intérêt est esthétique et patrimonial : ce sont des pièces signées, recherchées, parfois rares et très chères. Elles appartiennent davantage à l’univers du design que de la brocante.
Bien sûr, les deux peuvent se mixer, comme dans cet ancien atelier de bijouterie à Barcelone transformée en logement. Les propriétaires mettent en scène de nombreux meubles et objets de toute provenance, de toutes les époques et de tous les styles. C’est assez réussi, mais le risque est de recréer l’antre d’un brocanteur et ce n’est pas forcément ce que nous voulons.
Le truc : laissez respirer les espaces !

L’appartement d’Amalie Sparsø à Nørrebro, près de Copenhague – Photo : Frederikke Heiberg via woman.dk
Pourquoi se meubler avec des vieux meubles de métier ?
Il existe beaucoup de raisons d’investir dans de ce type de mobilier patiné à l’aspect brut.
_Le goût des vieilleries
Évidemment, à la base, il vaut mieux aimer les choses qui portent une histoire et les décors éclectiques. Il faut accepter les marques du temps dans un esprit wabi sabi. Les imperfections, les rayures, toutes ces traces d’usage font la beauté de ces objets et de ces meubles. Elles ne peuvent pas être imitées, ou mal, sur des produits récents. L’avantage est qu’ils ne craignent plus les coups. Ils peuvent même se bonifier avec nos coups.
_Une certaine démarche écologique
C’est incontestablement une démarche « écologique ». La réutilisation est toujours plus écolo que d’investir dans du mobilier produit à l’autre bout de la planète, parfois fabriqué avec des essences de bois menacées ou des produits non homologués, entendez toxiques. Cependant, je crois que cette démarche relève avant tout de choix liés au budget ou à l’esthétique, bien plus que d’un réel engagement écologique.

Baileys Home – Voir ou revoir : Le style de Mark and Sally Bailey, l’art de recycler
_Des meubles plus robustes
Les meubles anciens sont souvent plus solides, car jusqu’à peu près les années 70, il y avait encore beaucoup d’ateliers d’ébénistes locaux qui concevaient des meubles dans la tradition de l’art avec du bois massif. C’est encore plus vrai pour les meubles de métier, pensés pour un usage intensif, combinant bois massif et métal, des matériaux naturels et bruts qui vieillissent bien dans le temps. Ils sont donc plus solides que les meubles modernes en panneaux de particules, mais comme je le disais en introduction, ils ne sont pas forcément plus fonctionnels.
_Des prix attractifs
Ceci n’est pas totalement vrai, voire complètement faux, car certains modèles iconiques se négocient très cher. Le jeu est de les dégoter à moindre coût, ce qui veut dire être averti et accepté de se charger de la réparation. Il y a souvent besoin de réparer, d’adapter, de transformer. En dehors, des classiques très recherchés (Il y a aussi des modes, même dans la broc’), beaucoup de pièces authentiques restent accessibles.
_Un atout décoratif sans contexte
Un meuble de métier ancien attire l’œil immédiatement à condition de ne pas tomber sur la surenchère. Il faut que le regard puisse se focaliser sur LE meuble, la pièce maîtresse de la pièce. Je vous explique comment doser la chose, un peu plus bas dans l’article. Ainsi, dans un salon contemporain, un ancien casier en métal ou une table d’atelier devient un point focal qui donne de la personnalité à l’espace. Ces pièces fortes permettent d’éviter l’uniformité que l’on retrouve dans beaucoup d’intérieurs meublés uniquement avec des enseignes grand public, le fameux effet catalogue.

La maison de Marianne Cotterill à Londres – Photo : Mademoiselle Poirot
À quel style conviennent les vieux meubles de métier ?
Il ne s’agit pas d’une question de style, mais de dosage et de choix de meubles. La force de ces vieux meubles, laissés dans leur jus, est de s’adapter à tous les styles de décoration, du plus rustique au plus contemporain. Leur singularité et leur matérialité permettent de jouer sur les contrastes et d’apporter de la texture.
Je vous propose de découvrir en image les différentes pistes. Cette liste est loin d’être exhaustives, mais vous aidera à cerner la problématique.
La maison de Sandra @vintagehouse en Suède- Photo : Carina Olander
_Le style industriel et atelier
C’est sans doute la piste décorative la plus évidente. Un ancien établi en bois massif, des casiers métalliques ou des chariots d’usine trouvent immédiatement leur place dans une déco industrielle. Leur robustesse, leurs matériaux bruts et leur patine s’accordent parfaitement avec les murs en briques, les sols en béton ciré et les suspensions en métal.

Can Tiki, la maison de Luis Galliussi à Ibiza – Photo : ricardo labougle – Voir ou revoir : Le style de Luis Galliussi bohème festif
_Le charme bohème
Le style bohème aime les mélanges d’objets hétéroclites, de textiles colorés et de matières naturelles. Les meubles bruts trouvent donc tout naturellement leur place. Une table de ferme, une commode aux tiroirs patinés ou encore une vieille malle de voyage apportent une touche non conformiste. Ces pièces servent de toile de fond aux accumulations de coussins, tapis, plantes et objets ramenés de voyages.

L’intérieur de la décoratrice Marina Divigne via insidecloset.com
_Campagne rustique à chic
À la ville comme à la campagne, le style rustique s’invite facilement dans nos intérieurs. Il s’agit de mélanger matériaux modernes et matériaux anciens, objets anciens patinés et meubles design. Les meubles anciens de métier ou de famille jouent un rôle central, car ils insufflent un charme intemporel. On les associe à des textiles en matière naturelle comme le lin, la laine, le chanvre, et des teintes claires ou foncées, mais toujours assourdies.

Extrait du livre Keep It Simple de Atlanta Bartlett et Dave Coote
_En mode scandinave
Le style scandinave revêt de nombreux aspects. Il vient surtout de cette idée de modestie, simplicité, fonctionnalité, confort. Cela se traduit par des murs blancs, parfois des accents de couleurs, mais mesuré, du mobilier aux lignes épurées, du bois clair, des touches nature… Dans ce décor minimaliste, les meubles bruts apportent une touche de caractère bienvenue. Les meubles bruts réchauffent l’ambiance tout en évitant la froideur parfois reprochée aux intérieurs trop minimalistes et uniformes.
Le secret est de choisir des pièces brutes sans excès : une jolie patine, un bois vieilli mais sobre, un meuble simple qui s’accorde avec la douceur nordique.
_L’esprit wabi sabi
Issu de la philosophie japonaise, le wabi-sabi valorise la beauté de l’imperfection, la simplicité et le passage du temps. Dans cette esthétique minimaliste et apaisante, les meubles bruts trouvent donc une résonance immédiate, car la philosophie wabi sabi ne cherche pas à masquer les imperfections, au contraire, elle les met en valeur. Associés à des espaces épurés, des tons neutres et des matières et des matériaux naturels (pas de plastique !), ces meubles créent une atmosphère profondément sereine et intemporelle.

La maison cabane du couple d’artistes Richard Zinon et Nuria Maria aux Pays Galles en vente sur The Modern House

Masseria Moroseta – Voir ou revoir : Une déco dépouillée dans les Pouilles : la Masseria Moroseta
_Minimalisme méditerranéen
Le style méditerranéen est à la base rustique. Il se qualifie par son utilisation de matières simples comme la pierre, la terre cuite ou le lin et une palette de couleurs où le blanc domine et se réveille avec des teintes terreuses et argileuses. Dans ce type de décor minimaliste, les meubles bruts de métier trouvent une place de choix. Leur bois massif, leurs aspérités et leur patine s’accordent avec l’esprit artisanal et intemporel des intérieurs du Sud.

Le loft parisien de Lola Bessis, Ruben Amar à Paris – Photo : Valerio Geraci pour thesocialitefamily.com
_Les intérieurs contemporains
Là où vous pourriez craindre l’incompatibilité. Ce n’est pas forcément le cas, car les vieux meubles bruts créent un contraste intéressant. Pour cela, il faut opter pour des pièces aux lignes simples, à l’aspect patiné, usé. Ils doivent être comme une œuvre d’art. Dans un décor épuré, dominé par des lignes sobres et des teintes neutres, ce type d’objet ancien agit comme un élément central, presque sculptural.
Quelques pistes déco pour intégrer
des meubles de métier à sa déco
Chiner des meubles de métiers est une démarche passionnante, mais elle peut vite nous conduire au déséquilibre si l’on accumule des pièces sans fil conducteur. Chaque meuble porte une histoire et une esthétique singulière. Pris isolément, chacun a du charme. Mais juxtaposés sans réflexion avec d’autres objets de brocante, ils risquent de créer un décor hétéroclite, plus proche du bric-à-brac que d’un intérieur harmonieux.
Je vous liste donc des pistes pour éviter l’écueil.

Maison en vente sur The Modern House – Broomsthorpe Road, East Rudham, Norfolk
Même valeur
Pour mélanger des meubles de métier à d’autres meubles chinés, la première règle à respecter est qu’ils soient de même valeur. Dans cette entrée, les propriétaires ont obtenu quelque chose de spectaculaire avec des fauteuils pliants anciens, un banc de ferme et des miroirs de château. Ces objets n’ont rien à voir les uns avec les autres, mais ils sont de même valeur. Je précise que la valeur n’a rien à voir avec le prix, mais tient plutôt à la qualité.

Extrait du livre Keep It Simple de Atlanta Bartlett et Dave Coote
De la cohérence
Dans cette quête, la cohérence est aussi une clé de la réussite. Il vaut mieux définir une ligne directrice qui peut être un style (bohème, campagne chic, industriel…), une palette de couleurs ou une dominante de matériaux. Cela permet de donner du sens à l’ensemble. Le meuble d’atelier ou d’usine devient alors une pièce maîtresse intégrée à une histoire décorative, plutôt qu’un objet isolé.

Maison en vente sur Inigo – Queensdale Road, Londres
Peu, mais bien
La troisième règle est de désencombrer, car le désordre engendre l’invisibilité des choses. L’accumulation a un certain charme, je vous le concède. Certains d’entre vous adorent. Je vous laisse relire mon article : Quelle est votre bonne dose de minimalisme ? Cependant, si vous voulez échapper à l’effet « bric et brac » comme dans cette chambre, il vaut mieux chiner peu, mais bien, et choisir des meubles qui dialoguent entre eux et avec le reste de la décoration.
Cette cohérence est ce qui transforme une accumulation de trouvailles en un intérieur inspirant.

L’intérieur de l’artiste Lucas Morten et de sa compagne Tyra à Varberg, Danemark – Photo : Mike Karlsson Lundgren via residence.se
Un certain contraste
Les meubles de métier sont des pièces fortes. Ils révèlent toute leur force lorsqu’ils sont mis en contraste avec des éléments plus modernes ou plus légers. Leur matière massive, leurs imperfections et leur patine gagnent en intensité lorsqu’ils côtoient des lignes épurées et des surfaces lisses, des objets design. Ce n’est pas obligatoire, mais je dirais que c’est tout l’un ou tout l’autre, un intérieur décati comme cette ferme ou un décor ultramoderne et épurée.
Ce contraste évite l’effet “total look rustique” et permet au meuble de s’exprimer pleinement, comme une œuvre authentique au cœur d’un décor actuel.

La maison de Jelte Janmaat de la boutique d’art My Deer aux Pays-Bas – Photo : Jelte Janmaa
De l’art du détournement d’objet
Détourner un meuble de métier est une très bonne façon de les intégrer dans un décor. La plupart se prêtent bien à l’art du détournement. En effet, leur simplicité et leur robustesse permettent de leur offrir de nouvelles fonctions inattendues : un ancien billot de boucher devient un îlot de cuisine, un casier d’atelier se transforme en meuble à chaussures, une vieille échelle sert d’étagère ou de porte-serviettes.
Ces réinterprétations donnent un second souffle aux pièces chinées, tout en renforçant leur singularité.

Chez Aurelie Bagnolet, région parisienne via insidecloset.com
Mise en scène
Au-delà de leur utilité, ces vieux meubles et autres antiquités peuvent aussi être intégrés dans de véritables saynètes décoratives. Il est nécessaire de créer des îlots d’accumulation, pour ne pas encombrer visuellement votre décor (dixit problématique de l’encombrement, ci-dessus). Disposés avec soin, entourés d’objets choisis, livres, plantes, céramiques, textiles, ils racontent une histoire et focalisent l’œil.
La règle est de commencer par quelques pièces et de poursuivre la mise en scène, puis d’enlever et de recommencer, la meilleure façon de ne pas laisser notre mise en scène s’empoussiérer, ce serait dommage !

via milkmagazine.fr
Dialogue entre objets
Un meuble brut ne vit jamais seul dans une pièce. Il prend tout son sens lorsqu’il dialogue avec les objets qui l’entourent. Plutôt que de multiplier les pièces anciennes, il est souvent plus intéressant de les associer à des objets actuels ou minimalistes. Une table de ferme massive se révèle à côté de chaises design légères ; une armoire d’atelier en métal gagne en élégance si elle est accompagnée de plantes vertes.
Chaque objet trouve alors sa place et, ensemble, ils racontent une histoire cohérente, faite d’équilibre et de contrastes subtils.
Emilie
10 juillet
Merci pour cette sélection.
Moody's Home
1 juillet
Il n’ya rien de plus beau qu’un meuble brut bien choisi et surtout bien déniché 🙂
Berenice Big Blog
30 juin
Superbe sélection ! J’adore la récup’ mais plutôt des objets dans leur jus que de la réedition.
Clémence
30 juin
Comme beaucoup de ceux qui me laissent des commentaires.
Docteur Wood
30 juin
Je suis amoureuse des meubles bruts! Mais j’avoue que j’ai un peu de mal avec les meubles neufs « style vintage »…je préfère largement les meubles authentiques, même s’ils sont de plus en plus difficiles à trouver! Super article en tout cas 😉
Clémence
30 juin
Je te répondrais que moi aussi, je préfère les chiner, en plus on a le plaisir de la traque… mais bon des fois, il y en a des pas mal.
2pg
30 juin
La rue reste un très bon fournisseur de meubles anciens !
Clémence
30 juin
Tout à fait, il suffit d’avoir l’œil, mais les gens ont de plus en plus la valeur des choses surtout pour les meubles de type indus et il est plus difficile d’en dénicher. Ce qui est bien dommage !
2pg
30 juin
C’est vrai que l’indus’ c’est pas facile à trouver. J’ai vu un bureau métal avec casiers au troc 3000 à côté de chez moi et j’ai pleuré de ne pas avoir de place chez moi parce qu’il ne coûtait que 150 euros. Une bonne peinture et hop….
Clémence
30 juin
Et encore 150 euros, ça va, parce que des fois, ça dépasse l’entendement ! C’est quand même un peu cher pour un vieux bureau. Bon, il reste Emmaüs, mais faut arriver avant tout le monde.